En 1997 Dominique SANTIN et ses associés Frédéric, François et Sylvain firent l’essai d’une nouvelle culture sur notre territoire, le ginseng. Durant quelques mois, le passant eut le regard attiré à l’entrée de Bras par un coin de champ, là-haut, au bord de la forêt, qui n’était pas de la même couleur que les autres.
On y a vu d’abord à l’automne des buttes recouvertes de paille, mises en relief par le soleil rasant du matin. Puis au mois de mars ont été érigés tout un enchevêtrement de poteaux et de câbles d’acier. Enfin, comme on assemble les pièces d’un damier, ont été posés un à un de grands carrés de toile noire et brillante.
» – C’est quoi qu’ils font là-haut? » « – Ah, je ne sais pas, je croyais que c’était des asperges ; maintenant, ça ressemble à un élevage de faisans, mais il parait que c’est pas ça… » Alors, ce qui se passe là-haut, c’est l’implantation d’une culture de ginseng (prononcer jinsingue). » – Du ginseng, cette plante d’origine chinoise dont on vente les effets bénéfiques ? Mais ça pousse chez nous, ça ? »
Le ginseng est une plante de la famille des Araliacées dont il existe plusieurs espèces et principalement :
le ginseng Passax C.A. Meyer produit en Asie du Sud-Est
le ginseng Passax quinquefolium produit en Amérique du Nord et en Europe.
Plante merveilleuse d’Asie, le ginseng est connu depuis des millénaires en Chine et en Corée pour sa racine appelée «Fleur de vie», réputée apporter la jeunesse éternelle à ceux qui le consomment. Elle est référencée dans les ouvrages médicaux de la prospère époque Tang, en 600 de notre ère. Le ginseng est connu en Europe à partir de 1610 et répertorié botaniquement cent ans plus tard par le jésuite Jartout. C’est au 18ème siècle que le ginseng Passax quinquefolium à l’état sauvage est découvert au Canada par un moine. Il sera alors cueilli jusqu’à sa quasi disparition. Après la guerre de Sécession commencent les premières tentatives de culture à partir de pieds sauvages. Mais ce n’est que dans les premières années de notre siècle que la technique est maîtrisée par les frères Fromm dans l’état du Wisconsin. La production se développe alors vers l’Est et les états du «Middle West» avec comme principal débouché le marché asiatique ( hong Kong est la plaque tournante du ginseng.). Aujourd’hui, la capacité de production nord-américaine est de 1600 hectares aux USA, état du Wisconsin, 1100 hectares au Canada, états d’Ontario et de Colombie britannique.
C’est en 1991 que des producteurs canadiens contactent les responsables d’une coopérative légumière située à Marchais, près de Laon. Quelques mois plus tard, ceux-ci décident de se lancer et implantent la première culture française de ginseng qui sera récoltée avec succès en 1994. Cette production fait des émules et aujourd’hui, on compte 24 sites en production répartis essentiellement dans l’Aisne, mais aussi dans toute la Picardie et les régions limitrophes. Les sites les plus proches de Bras sont ceux d’Eurville (52) et Aussonce (08).
La culture du ginseng nécessite un important travail et engendre des dépenses conséquentes. C’est pourquoi les quatre producteurs locaux que nous sommes se sont constitués en Société Civile d’Exploitation Agricole dite «SCEA Meuse Ginseng». Après recherche du terrain le plus favorable avec l’aide du technicien de la coopérative Prim’Allia, c’est le site de Bras-sur-Meuse qui a été retenu.
L’implantation de la culture se fait en semant à l’automne des graines de la taille d’une lentille sur des buttes. Pourquoi des buttes ? Pour favoriser l’évacuation de l’eau et pour faciliter l’arrachage des racines avec une machine. Dès le semis, les buttes sont recouvertes de paille pour préserver l’humidité du sol et limiter l’enherbement. C’est seulement au printemps suivant que les plants émergent du lit de paille, présentant trois feuilles aux bordures dentelées.
Le ginseng étant une plante de sous-bois, il faut le protéger de la lumière. Commence alors l’installation de l’ombrière : il faut tendre des cables sur des poteaux métalliques de trois mètres de haut, qui supportent des toiles ajourées en fibres synthétiques filtrant la lumière à 78%. Pour le site de Bras, il a fallu 250 poteaux et 7 kilomètres de cable.
Puis il faut désherber. Comme il n’existe aucun désherbant chimique, les mauvaises herbes sont enlevées à la main. Il faut également surveiller l’apparition de maladies sur le feuillage et éventuellement intervenir avec un fongicide.
Le ginseng est une plante pluriannuelle. La végétation va donc régresser à l’automne. Les ombrières sont alors repoussées sur les côtés pour les soustraire aux intempéries hivernales. Elles seront réinstallées le printemps suivant et ainsi de suite. A partir de la troisième année, le ginseng fleurit. Les belles grappes rouges donnent des graines qui après stratification seront utilisées pour une nouvelle installation. La technique française conduit à un arrachage des racines au bout de 3 ou plutôt 4 ans. Le site de Bras sera donc vraisemblablement récolté en 1999. Le matériel utilisé pour ce travail est une arracheuse à légumes comme on en trouve chez les maraîchers. Les racines, reprises par la coopérative, sont séchées et stockées en fûts pour être commercialisées à des laboratoires français ou étrangers. Les producteurs français sont en train de se structurer pour assurer eux-mêmes la vente directe du produit fini. Un laboratoire local réduit les racines en poudre et confectionne des gélules dosées. On peut donc se procurer du ginseng français auprès de tous les producteurs.
La commercialisation du ginseng a donné lieu à quelques abus révélés récemment par une étude de la revue «60 millions de consommateurs» : prix excessifs, produits sous dosés, résidus pesticides etc… Au-delà de ces incidents, qui portent préjudice à toute une filière, il est reconnu que les principes actifs du ginseng, appelés «ginsenosides», ont des effets réels sur : les performances physiques et intellectuelles, l’adaptation de l’organisme à l’effort, l’activité sexuelle par une action sur les cortico-surrénales, la capacité d’adaptation. C’est un excellent anti-stress.